Korakh

 

(Nombres 26:1 – 28:32)

 

  • Et si D-ieu existait ?

 


 

UN HOMME PLEIN DE BONNES INTENTIONS

 

Après que D-ieu ait décrété que cette génération ne rentrerait pas en terre d’Israël mais qu’elle devrait rester dans le désert, Korakh fut le premier a proposer une reforme liée aux nouvelles contingences historiques. Il se présenta sous le visage de quelqu’un de rationnel et bien intentionné.
Mais en vérité, c’était un désir de pouvoir qui motivait Korakh: sa jalousie vis-à-vis de Moise et Aaron l’a poussé a médire d’eux et de Dieu.

Ainsi il pose des questions de Halakha a Moise telle que : Si une maison est pleine de livres sacrés n’est-elle pas dispensée de Mezouzah ? A la réponse de Moise, qu’une telle maison n’en était pas dispensée, Korakh se moqua de lui et dit « Quoi ! Contenant la Thora entière avec ses 278 paragraphes, elle n’est pas en règle, mais seulement ces 2 paragraphes inscrit dans la mezouzah suffisent pour mettre la maison en règle ? Jamais de telles instructions ne t’ont été données par D-ieu. Tu les as inventées de toutes pièces. »

Son objectif est de dénigrer l’origine divine de la Thora; car s’il prouve que ces lois sont sorties de l’esprit de Moise, il peut dans ce cas affirmer que tous les hommes sont susceptibles de s’ériger en juges et d’intervenir en matière religieuse et morale.

La question sous-jacente du débat entre Korakh et Moshé est de savoir si la religion juive exprime le message de D-ieu, et a ce titre dépasse le simple entendement humain pour devenir une vérité transcendante, ou est-elle un simple code de morale dépendant des aléas de la raison.

Or nous voyons que les valeurs du bien et du mal sont différentes selon les peuples et les époques.
Ce qui est considère comme juste par un peuple peut être perçu comme une abomination par un autre.
De même une civilisation peut a des moments différents de son histoire revoir son système de valeurs et déclarer immoral ce qu’elle estimait auparavant juste et méritoire.

 

LA FACULTÉ DE JUGER

 

Le Talmud nous rapporte les paroles de deux de nos sages qui sont susceptibles d’éclairer notre propos:

« R. Pappa a dit: Un homme ne doit pas juger la cause de quelqu’un qui lui est cher, ni celle de son ennemi. Car on ne voit pas les torts de ceux que l’on aime, pas plus que l’on voit les mérites de ceux que l’on hait » (Ketoubot 105a)

On voit que l’amour ne peut trancher une question de façon impartiale. C’est pourquoi, c’est a la loi et non a l’affectivité de l’homme qu’il faut confier la tache de départager le bon et le mauvais.
Car seule la loi transcendante introduit des critères de jugement qui fassent abstraction de la subjectivité émotionnelle.
La loi seule permet d’apprécier une situation, un acte commis et ses conséquences de façon objective et impartiale.

« Rabba a dit: Pourquoi les présents (a un juge) sont-ils interdits ? parce que, des qu’on a accepté un présent, on se sent proche de celui qui vous l’a fait, on ne fait plus qu’un avec lui.
Or un homme ne sait pas distinguer ses propres torts. Que signifie le mot « Chohad » (présent, pot-de-vin) « Che-hou-had » (qui ne fait qu’un). » (Ketoubot 105a)

Celui qui a reçu un présent ne peut s’empêcher d’avoir des lors un parti pris et se trouve de ce fait disqualifié dans son aptitude a juger correctement un cas.

Il ressort de ces affirmations de nos sages que l’intimité crée par l’acceptation de la moindre faveur, fait que l’on s’identifie a la personne en question au point de devenir incapable de rendre un jugement équitable, car personne ne trouve rien de mal en soi même.
S’il en est ainsi des plus sages parmi les grands, qu’ils ne peuvent plus se prononcer sur des cas qui ne les concernent pas personnellement et dont le verdict n’implique aucun changement dans leur façon d’être.
Qu’en est-il de nous mêmes ? Combien la gratification la plus minuscule risque-t-elle d’entraîner le chaos dans les détours de nos pensées !.

 

LE JUGEMENT SUR NOUS MÊMES

 

Lorsqu’on entreprend l’examen de cet instrument de base qu’est notre jugement, on s’aperçoit tout de suite d’un fait fondamental: il n’existe pas de pensée qui ne soit précédée par l’intérêt.
Et quelle est la source de l’intérêt ? : La volonté, soit positive soit négative, ce qui attire et ce qui repousse.

Nous nous intéressons soit a ce que nous voulons, soit a ce que nous ne voulons pas et que nous cherchons donc a réfuter.
Dans un cas comme dans l’autre, il n’y a d’intérêt qu’en rapport a la volonté qui s’est éveillée et impose a l’intellect réflexion et décision.

Chacun de nous est un juge. Nous sommes sans cesse en train d’évaluer la justesse de notre conduite et l’exactitude de nos opinions.
Cependant, si nous examinons a quel point nous sommes chargés de préjugés en ces matières, nous nous apercevons que nous avons des idées préconçues, dictées par les appétits grossiers et les défaut naturels qui nous dominent depuis tant d’années. Leurs effets son pernicieux et probablement bien plus considérables que n’importe quel pot-de-vin donné a un juge.

Comment donc espérer atteindre une décision valable lorsqu’il s’agit vraiment de trouver le mal en sa propre personne? Reconnaître par exemple ses défauts? Accepter des opinions impliquant des obligations difficiles a remplir ou au contraire, l’interdiction d’accomplir ce qui nous attire ?
Sincèrement, notre esprit est-il capable de parvenir a des conclusions honnêtes ?
Certes non, l’intérêt négligera de présenter a l’intellect des arguments contre lui, et s’efforcera même de les masquer.
Une constatation s’impose: l’intellect ne peut pas résoudre un problème moral.

 

UN DIEU ENCOMBRANT

 

Korah voulait réexaminer les problèmes fondamentaux a la seule lumière de son entendement; il était certes extrêmement intelligent et cultivé; mais en ce qui concerne son caractère, il ne s’était jamais donné la peine de l’améliorer sérieusement, et ne s’était jamais vraiment attaqué a ses propres défauts.

Nous avons déjà vu que personne ne se penche sur une question sans un intérêt préalable.
Ici l’intérêt portait sur un fait bien prévisible: la réponse risquait de contrecarrer l’une ou l’autre de ses tendances naturelles.

Certes il préféra arriver a la conclusion qu’il est licite de vivre sans joug et sans frein, hormis la lointaine limite qu’il daignera éventuellement fixer d’une manière arbitraire.

Il voulait nous faire croire qu’il était totalement objectif et qu’il était apte a atteindre des conclusions conformes a la vérité par le seul pouvoir de son intellect !
Mais en fait, il avait un parti pris qui englobait tout le réseau de ses traits de caractère, de ses instincts et de ses désirs, qui venaient tous s’insurger en même temps pour s’efforcer de faire pencher son intellect dans le sens qui leur convenaient.
Il s’agissait bien de « vérité » pour ses penchants ! qui ne comprenaient que ce qui leur plaisaient et n’arrivaient qu’aux « conclusions » qui leur convenaient.

Et l’on comprend pourquoi son discours qui est typiquement un discours athée a fait et fait encore de nos jours tellement d’adeptes; car s’il n’y pas l’ingérence extérieure d’une loi divine, tous les penchants les plus vils peuvent se justifier.
Mais contrairement a ce que soutenait Korakh, la loi révélée n’a pas pour objectif de limiter la réflexion humaine, elle indique un système de valeurs référentiel qui se présente comme l’expression concrète du bien véritable.

Basé sur: Mi’htav Me-Eliaou du Rav ELiahou Dessler
Levinas L’utopie de l’humain de Catherine Chalier

#Korakh  #Moise #esprit #juger #sages  #jugement #opinions #intellect #penchants

La sainteté, sacré, sacrifice (Korban), élever, rapprocher, annuler les limites; léger, immatériel.